Pardon Seigneur, S’il te plaît et Merci

Prépare-moi à dîner, s’il te plaît. A cette époque, les maîtres ne s’adressaient pas à leurs serviteurs en utilisant le mot magique : ‘s’il te plaît’. PleasePor favor

J’ai interrogé des amis qui ont des responsabilités d’encadrement sur la façon dont ils s’adressent à leurs collaborateurs (on disait anciennement leurs employés ou subordonnés) :‘Est-ce que, au travail, vous sollicitez leur accord en prenant des précautions oratoires du style : ‘Est-ce que tu peux s’il te plaît faire ceci, contacter untel, traiter ce dossier ?’. Ou bien est-ce que vous répartissez les tâches à la va-vite : ‘Tu gères ce dossier’. ‘Contacte machin’.

S’il te plaît, le mot magique.
Vous noterez que les Apôtres ne demandent pas au Seigneur : « Augmente en nous la foi, s’il te plaît ! ».

Jésus commence par replacer cette demande de foi dans l’ordre surnaturel qui est le sien. La foi est une vertu théologale, c’est-à-dire qu’elle vient de Dieu. Elle est un don de Dieu et relève du surnaturel, comme tout ce qui est véritablement religieux, et elle échappe au pouvoir humain qu’elle transcende.

Le Livre des Actes des Apôtres raconte qu’après le martyre d’Etienne « éclata une violente persécution contre l’Église de Jérusalem. Tous se dispersèrent dans les campagnes de Judée et de Samarie, à l’exception des Apôtres » (Ac 8, 1). Le diacre Philippe arrive en Samarie, et là il proclamait le Christ. Il y eut une grande joie, et de nombreux baptêmes dont celui d’un homme du nom de Simon connu pour ses talents de Mage.
Arrivent les apôtres Pierre et Jean venus prier pour que ces nouveaux baptisés reçoivent l’Esprit Saint : « ils étaient seulement baptisés au nom du Seigneur Jésus ».
Ce Simon, voyant que l’Esprit Saint était donné par l’imposition des mains des Apôtres, leur offre de l’argent pour avoir un tel pouvoir lui aussi. 
Et il se fait sévèrement, très sévèrement rabrouer par saint Pierre. La Tradition a donné son nom, la ‘simonie’, aux pratiques de corruption dans le domaine religieux. L’homme est un être corruptible, jusque dans la mort. « Tu ne peux laisser ton ami voir la corruption » dit unPsaume. « Tu ne peux m’abandonner à la mort ni laisser ton ami voir la corruption » (Ps 15, 10).

Tout l’évangile résonne de cette fascination que le pouvoir exerce, par exemple après la guérison d’un paralytique : « les foules furent saisies de crainte et rendirent gloire à Dieu qui a donné un tel pouvoir aux hommes » Mt 9, 8). Jésus au contraire s’attache à faire grandir dans le cœur de ses disciples le vrai sens du surnaturel, de la gratuité de la grâce de Dieu.

Dans l’évangile de saint Marc, il utilise une image encore plus spectaculaire que celle de l’arbre qui se jette dans la mer affirmant que « quiconque dira à cette montagne : “Enlève-toi de là, et va te jeter dans la mer”, s’il ne doute pas dans son cœur, mais s’il croit que ce qu’il dit arrivera, cela lui sera accordé ! » (Mc 11, 23). 
Qu’un arbre ou une montagne obéisse à une injonction verbale pour aller se planter ou se jeter dans la mer, avec ce qu’elle symbolise dans la Bible comme lieu de mort et de perdition, estproprement surnaturel.
Au point qu’il vaudrait mieux parler, plutôt que d’une ‘foi à déplacer les montagnes’, de la foi en la résurrection des morts, qui est notre foi en l’amour de Dieu à qui rien n’est impossible.Saint Paul a repris cette image dans l’hymne à la charité : « J’aurais beau avoir toute la foi jusqu’à transporter les montagnes, s’il me manque l’amour, je ne suis rien » (1 Co 13, 2).

Passons à la deuxième partie de la réponse de Jésus à la demande des Apôtres, cette parabole d’un tout autre registre, qui nous ramène sur le plan moral du service, de l’obéissance et du devoir. De ces trois termes, le premier, le service ne veut plus rien dire, tandis que les deux autres sont devenus inaudibles, aussi bien l’obéissance que le devoir.

A une exception près, que nous entendions dans l’évangile il y a un mois, le devoir de s’asseoir, et de prendre du temps pour soi.
Veuillez vous asseoir disons-nous après l’évangile avant l’homélie. Vous pouvez vous asseoir. Ce sont les trois demandes que je fais aux photographes des messes de mariage : d’être habillés correctement pour ne pas trop déparer de l’assemblée, de ne pas entrer dans le chœur l’espace sacré autour de l’autel, et de ne pas se déplacer pendant l’homélie car lesmouvements nous font facilement perdre le fil. 
Est-ce que, ensuite, après, je leur en suis reconnaissant ? Oui, bien sûr je les remercie à la sortie de leur bonne collaboration.
Et je ne doute pas que le Seigneur en fera de même avec nous au soir de notre vie, quand la foi laissera la place à la vision de sa Splendeur, au-delà de ce que nous aurons espéré. Et il nous récompensera d’autant plus que nous reconnaîtrons nos péchés, que nous implorerons sa miséricorde et que nous rendrons grâce pour sa bonté, sa tendresse et sa fidélité, sans revendiquer quelque mérite de notre part. 

Ce qui caractérise notre foi est qu’elle renonce à être récompensée pour nos actions. Voilà ce que signifie cette parabole : ‘Nous n’avons aucun mérite’. Les seuls mérites que nous connaissions sont ceux de notre Seigneur Jésus-Christ, acquis par sa Passion et sa Résurrection.

Tel est le chemin que le Christ nous a montré et que nous devons prendre à sa suite : l’abaissement (la kénose) pour entrer Par Lui avec Lui et en Lui dans la Gloire.

Quand Jésus a envoyé ses disciples préparer la Pâque, ils ne savaient pas que ce dernier repas serait celui du don de sa Vie, de l’Institution de l’Eucharistie. Que nous allons à présent célébrer, suivant l’ordre que le Seigneur nous a donné : Vous ferez cela en mémoire de moi. 

Cette Eucharistie résume à elle seule les trois paroles de vie : pardon, s’il te plaît et merci.

Pardon Seigneur, S’il te plaît et Merci.

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