Jésus Sauveur prends pitié de moi pécheur

Que s’est-il passé sur la route ?

C’est sans doute à dessein que Jésus n’a pas guéri sur place ces dix lépreux, comme on le voit faire avec le premier lépreux qu’il rencontre au premier chapitre de l’évangile de saint Marc, qui vient auprès de lui et le supplie : « Saisi de compassion, Jésus étendit la main, le toucha et lui dit : ‘Je le veux, sois purifié’. À l’instant même, la lèpre le quitta et il fut purifié » (Mc 1, 42). Puis Jésus lui dit d’aller se « montrer au prêtre » (Mc 1, 44).
C’était un acte étonnant de la part de Jésus de toucher un lépreux, qui le rendait en principe impur, et l’obligeait à se mettre en quarantaine, au strict regard de la Loi.

Ici, il ne les guérit pas sur le champ mais les envoie se montrer aux prêtres pour que nous comprenions que la guérison est un chemin : le Salut est un chemin, le Christ est le Chemin, la Vérité et la Vie. Un chemin de rencontre : Dieu vient à nous pour que nous allions à Lui.

Que s’est-il passé sur la route ? 

Ils se sont disputés. Quand ils ont vu qu’ils étaient guéris, ils ont d’abord été sidérés. « Dans leur joie, ils n’osaient pas encore y croire » dit saint Luc des apôtres qui voient le Christ ressuscité (Lc 24, 14). Mais ces lépreux guéris, à la différence des apôtres, n’avaient pas le Christ avec eux. Et ils n’ont pas été d’accord sur la conduite à tenir : fallait-il poursuivre la route, aller se montrer aux prêtres comme Jésus leur avait dit, ou revenir remercier Jésus tant qu’ils savaient encore où le trouver ?

Jeunes étudiants, le père d’une amie nous avait emmenés sur son voilier, et un jour, de soleil, la mer était lisse et magnifique, il nous avait soudain demandé si nous connaissions la conduite à tenir au cas où un homme tombe à la mer ? 

Avant même que nous ayons dit un mot, il lâche la barre et saute par-dessus bord ! Un homme à la mer ! Eh bien, nous avons chacun commencé une manœuvre différente ! Heureusement que le temps était calme mais ça va quand même très vite …

Un seul des dix lépreux est donc revenu se jeter face contre terre aux pieds de Jésus pour rendre grâce.
Il n’est pas sûr que les neuf autres soient allés voir les prêtres (quand bien même ils avaient théoriquement besoin d’une attestation). Certains ont repris leur vie comme si de rien n’était. Combien de fois, lors d’événements heureux ou malheureux, j’ai entendu des baptisés promettre qu’ils allaient reprendre le chemin de l’Eglise et puis, comme dans la parabole du semeur, cette résolution a été étouffée, « chemin faisant, par les soucis, la richesse et les plaisirs de la vie » (Lc 8, 14).

Voilà, avec ce lépreux samaritain guéri, un enseignement très paradoxal de Jésus dans l’éloge qu’il fait d’une personne qui n’applique pas à la lettre ses instructions ! Ne lui avait-il pas dit comme aux autres d’aller se montrer aux prêtres ? Pourquoi est-il revenu ?

Pourquoi m’appelles-tu bon ? dit Jésus à l’homme riche qui l’appelle ‘Bon maître’ (que dois-je faire pour avoir la vie éternelle en héritage ? Lc 18, 19). Personne n’est bon, sinon Dieu seul : Serait-ce que tu as reçu comme grâce de me reconnaître comme Dieu ?

Heureux es-tu toi que Jésus a guéri de sa lèpre et qui as reconnu en Lui ton Seigneur et ton Dieu. Heureux es-tu : ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela (Mt 16, 17) mais l’Esprit Saint qui fait de nous des fils !

Sous l’action de l’Esprit-Saint, il peut exulter de joie comme Jésus lui-même a exulté de joie dans son humanité, en rendant grâce à son Père et en proclamant sa louange car « ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits » (Lc 10, 21). Et Dieu sait que les auditeurs de Jésus considéraient les Samaritains comme des tout-petits.

Pourtant comme le Samaritain de la parabole s’était arrêté auprès de l’homme qui gisait sur la route de Jéricho, ce lépreux, tout samaritain qu’il soit, a su, une fois guéri, dépasser la Loi (alors que ce qui caractérisait les Samaritains était leur strict respect de la Loi, et seulement de la Loi) pour poser cet acte de foi : Jésus Christ est Seigneur, à la gloire de Dieu le Père.

Jésus Sauveur, aie pitié de moi qui suis pécheur ! Cette prière dite du pèlerin russe n’est qu’un exemple de ces prières litaniques que préconisaient les Pères de l’Eglise, les maîtres spirituels des premiers siècles, pour la respiration de notre âme. Jésus Seigneur, aie pitié de moi pécheur !

Nous avons tous été guéris par la grâce de notre baptême, et nous ne serons sauvés que par notre foi au Christ, c’est-à-dire à notre retour tout au long de nos journées à sa présence avec nous, dans notre cœur.

Jésus Sauveur, prends pitié de moi pécheur !

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