Tenir bon, jusqu’au bout, grâce à Dieu

Vanité des vanités, tout est vanité dit l’Ecclésiaste, que nous appelons désormais Qohèleth, nous l’avons entendu en 1ère lecture. Heureusement qu’on ne change pas trop souvent les titres des livres de la Bible, on ne s’y retrouverait plus. Le Livre de l’Ecclésiaste ou Qohèleth est un des cinq livres de sagesse de la Bible, avec, dans l’ordre de la Bible de Jérusalem, le Livre de Job (qu’elle place avant les Psaumes), le Livre des Proverbes, le Livre de Qohélet ou l’Ecclésiaste, le Livre de la Sagesse, et le Livre de l’Ecclésiastique qu’on appelle maintenant le Siracide ou Livre de Ben Sirac le Sage.
C’est à cause de la ressemblance des deux noms de l’Ecclésiaste et de l’Ecclésiastique qu’ils ont été changés en Qohèleth et Siracide.

Deux de ces livres sont attribués à Salomon : le Livre des Proverbes (de Salomon) et le Livre de la Sagesse (de Salomon). Quand Dieu, dans un songe, cela se passait dans la ville de Gabaon, l’épisode s’appelle le songe de Gabaon, dit à Salomon qui allait succéder sur le trône d’Israël à son père David : ‘demande moi ce que tu veux’, Salomon a demandé la sagesse. Cela plut au Seigneur qui lui dit : « Puisque c’est cela que tu as demandé, et non pas de longs jours, ni la richesse, ni la mort de tes ennemis, je te donne un cœur intelligent et sage, tel que personne n’en a eu avant toi et que personne n’en aura après toi. De plus, je te donne même ce que tu n’as pas demandé, la richesse et la gloire, si bien que pendant toute ta vie tu n’auras pas d’égal parmi les rois » (1 R 3, 5-13).

La sagesse de Salomon ! Jésus y fait référence, avertissant ceux qui l’écoutaient que « lors du Jugement, la reine de Saba se dressera en même temps que cette génération, et elle la condamnera ; en effet, elle est venue des extrémités de la terre pour écouter la sagesse de Salomon, et il y a ici bien plus que Salomon » (Mt 12, 42).

Pour autant, David, à qui de très nombreux Psaumes sont attribués, fut un plus grand roi que Salomon. Même s’il a dû laisser à Salomon la charge de construire le Temple de Jérusalem. « David dit à Salomon : « Mon fils, j’avais à cœur de bâtir une maison pour le nom du Seigneur mon Dieu. Mais la parole du Seigneur me fut adressée : “Tu as répandu beaucoup de sang et livré de grandes batailles ; ce n’est donc pas toi qui bâtiras une maison pour mon nom car tu as répandu devant moi beaucoup de sang sur la terre.
Voici qu’un fils te naîtra, lui sera un homme tranquille, et je lui procurerai la tranquillité du côté de tous les ennemis qui l’entourent. Son nom sera Salomon (c’est-à-dire Pacifique), et, pendant sa vie, je donnerai la paix et le calme à Israël. C’est lui qui bâtira une maison pour mon nom. Il sera pour moi un fils et je serai pour lui un père, et je rendrai stable pour toujours le trône de sa royauté sur Israël” » (1er Livre des Chroniques 22, 7-10).

Malheureusement la faiblesse humaine de Salomon a entaché la fin de son règne : « Il fit ce qui est mal aux yeux du Seigneur, et il ne lui obéit pas aussi parfaitement que son père David » (1 R 11, 6) : il fit construire des lieux sacrés pour les idoles « pour permettre à toutes ses femmes étrangères de brûler de l’encens et d’offrir des sacrifices à leurs dieux ». Le Seigneur s’irrita contre Salomon, et c’est seulement à cause de son père David qu’il ne lui enleva pas le royaume durant sa vie, mais durant celle de ses enfants.

Le Siracide dresse ce portrait de Salomon (Si 47, 12-25) : « Comme tu étais sage dans ta jeunesse ! Tel un fleuve, tu débordais d’intelligence ! Ta renommée est parvenue jusqu’aux îles lointaines. Tu as été aimé parce que tu étais pacifique. Au nom du Seigneur, tu as amassé l’or, tu as accumulé l’argent. Mais tu t’es vautré dans le plaisir avec les femmes et tu as été asservi dans ton corps. Tu as terni ta gloire, tu as profané ta race, au point d’amener la colère sur tes enfants et provoquer des regrets par ta folie ».

‘Tu es fou !’ entendait-on dans l’évangile. La sagesse est fragile.

Il y a une très belle prière dans le Livre des Proverbes (de Salomon) qui dit au Seigneur : « Je n’ai que deux choses à te demander, ne me les refuse pas avant que je meure ! Éloigne de moi mensonge et fausseté, ne me donne ni pauvreté ni richesse, accorde-moi seulement ma part de pain. Car, dans l’abondance, je pourrais te renier en disant : ‘Le Seigneur, qui est-ce ?’ Ou alors, la misère ferait de moi un voleur et je profanerais le nom de mon Dieu ! » (Pr 30, 9).

Dans le confort je pourrais t’oublier, dans le malheur, je pourrais m’égarer.

Accorde-moi seulement mon pain quotidien, nous le demandons dans le Notre Père : « Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour ». Car l’abondance est trompeuse : c’est la leçon de cette parabole de l’évangile de ce dimanche sur l’illusion de la sécurité matérielle.

Comme dit le Psaume (48) : « Nul ne peut racheter son frère ni payer à Dieu sa rançon (mystère de la Rédemption) : aussi cher qu’il puisse payer, toute vie doit finir. Vous voyez les sages mourir : comme le fou et l’insensé ils périssent, laissant à d’autres leur fortune. L’homme comblé ne dure pas : il ressemble au bétail qu’on abat. Tel est le destin des insensés et l’avenir de qui aime les entendre.
Ne crains pas l’homme qui s’enrichit, qui accroît le luxe de sa maison : aux enfers il n’emporte rien ; sa gloire ne descend pas avec lui. De son vivant, il s’est béni lui-même : “On t’applaudit car tout va bien pour toi !”. Mais il rejoint la lignée de ses ancêtres qui ne verront jamais plus la lumière. L’homme comblé qui n’est pas clairvoyant ressemble au bétail qu’on abat ».

Tout l’Evangile est étranger au bonheur matériel, au plaisir de la richesse, que la 1ère lecture qualifie de vanité, quand bien même elle serait le fruit de notre travail : « Que restera-t-il à l’homme de toute la peine et de tous les calculs pour lesquels il se fatigue sous le soleil ? » (Qo 1, 3 ; 2, 22), s’il n’est pas fait par amour du Seigneur, et pour notre conversion et pénitence.

A ceux qui voudraient que le temps s’arrête pour profiter des plaisirs de l’instant comme à ceux qui voudraient que le temps s’accélère pour échapper aux vicissitudes et aux peines du moment, le Christ est venu révéler la vérité du temps dans la fidélité.

Gardons à l’esprit la promesse qu’il fait à ses disciples au moment de passer de ce monde à son Père : « Vous, vous avez tenu bon avec moi dans mes épreuves. Et moi, je dispose pour vous du Royaume, comme mon Père en a disposé pour moi » (Lc 22, 28).

Seigneur, donne-moi sagesse et fidélité pour tenir bon jusqu’au bout grâce à toi.

Père Christian Lancrey-JavaLc 12, 13-21

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