Se montrer soi-même ou montrer le Christ ?

Dans les années 20 du siècle dernier, le cardinal Mercier archevêque de Malines, au nord de Bruxelles et à équidistance d’Anvers, obtenait de Rome que ce 31 août soit dans les diocèses de Belgique qui le demanderaient la fête de sainte Marie Médiatrice, Marie Médiatrice de toutes Grâces. 
L’Eglise a refusé son extension à l’Eglise universelle, estimant que cette dévotion présenterait des risques à être érigée en dogme : il n’y a qu’un seul Médiateur, le Christ Jésus, et aucune créature, même la Vierge Marie, ne pourra jamais figurer sur le même plan que Jésus.

Une mystique du 13ème siècle, sainte Gertrude d’Helfta, dont la juste piété mariale se situait dans une totale dépendance au Christ, nommait Marie la « Médiatrice du Médiateur ». C’est le Christ que nous adorons, et Marie dit : « Faites tout ce qu’il vous dira » (Jn 2, 5).

Ce qu’il nous dit et que Marie nous apprend est de grandir en charité par l’humilité, que le Livre du Siracide en 1ère lecture résume ainsi : « Plus tu es grand, plus il faut t’abaisser » (Si 3,18). 

L’humilité donne la grâce de la charité. Tandis que l’inverse n’est pas automatique : on peut être charitable, faire le bien, et s’en approprier le mérite et pire s’en vanter. « L’amour ne se vante pas, ne se gonfle pas d’orgueil » (1 Co 13, 4).

D’où l’intérêt des deux paraboles de l’évangile de ce dimanche, et de la distinction qu’elles portent entre d’une part les grâces qui nous sont données pour notre bien, grâces sanctifiantes pour grandir en sainteté, et les grâces qui nous sont données pour que nous fassions le bien, pour le bien d’autrui. Les deux ne se confondent pas forcément : pensez à ces personnes que l’on considérait comme des Saints jusqu’à ce que l’on découvre la réalité de leur (double) vie. Les personnes qui font le bien ne sont pas forcément des gens bien.

La 1ère parabole est un enseignement sur les grâces qui nous sont données pour notre bien, pour nous aider à résister à la ‘Comédie humaine’, dont Balzac a été le génial portraitiste detous ces calculs et manigances qui pourrissent le monde. Balzac avait choisi ce titre en mémoire de la ‘Divine comédie’ de Dante, chez qui le mot Comédie avait un sens un peu différent : il désignait le genre littéraire du happy end, la promesse d’une fin heureuse après des débuts éprouvants. La Divine Comédie commence en effet par l’Enfer où l’auteur raconte son égarement spirituel : il avait perdu la route droite de l’authenticité, comme une figure de la Chute, avant de trouver la Rédemption, par la grâce de Dieu.

Dans cette 1ère parabole, Jésus s’adresse à ceux qui sont toujours tentés de se mettre en avant, sachant que ce besoin de reconnaissance sociale, en tout cas sous cette forme, ne concerne pas tout le monde. Pour ceux qui y sont tentés, seule la grâce de Dieu peut les sauver. Attends ! Arrête ! Résiste ! Prie ! Prie la Vierge Marie, saint Michel, ton Ange gardien, et tous les saintsde ne pas te laisser entrer en tentation.

La 2ème parabole est une illustration des grâces qui nous sont données pour faire le bien. 

Il ne s’agit plus d’agir contre ses impulsions mais de se tourner charitablement vers ceux dont personne ne s’occupe. 
La théologie appelle ces secours apportés à autrui pour lui rendre sa dignité des grâcesdonnées gratuitement, gratis datae, qui n’ont d’autre but que de contribuer à les aider.
Ces grâces viennent de Dieu même chez les personnes qui ne croient pas en Lui. Cependant la joie qu’on ressent alors à faire plaisir a vite fait de se transformer en fierté, car le Diable est le premier à venir nous complimenter. 

A ceux qui exercent des responsabilités, l’image la plus basique étant dans cette parabolel’organisation d’un repas, une réception, la Tradition de l’Eglise conseillait de se garder de deux types de (mauvaise) influence : des médisants et des flatteurs, de ceux qui disent trop de mal des autres et de ceux qui disent trop de bien de vous. 
Elle honore en modèle le bon roi saint Louis que nous avons fêté lundi qui savait que ‘charité bien ordonnée’ commence par l’humilité.

Le paradoxe de ces recommandations est d’aller en apparence contre notre intérêt : si je ne me fais pas connaître ou reconnaître, qui le fera pour moi ? Si je n’entretiens pas un minimum de relations, qui viendra me soutenir, m’appuyer, voire à mon secours si j’en ai besoin ?

Au-delà de l’acte de foi qu’elle suppose, « Dieu viens à mon aide ! » est la prière que le saint moine Jean Cassien (mort en 435 à Marseille où il avait fondé l’abbaye saint Victor) invitait à répéter tout au long de la journée (du Psaume 70), la distinction entre ces grâces divines est éclairante : ce n’est pas parce qu’une personne fait de bonnes choses que vous pouvez avoir confiance en elle. 
En revanche, vous pouvez être sûr qu’une personne sainte, qui vit de l’Esprit-Saint, qui se soumet à Dieu et le cherche en toutes choses, en chacun de ses actes, sera pour vous comme saint Jean Baptiste (dont on a honoré vendredi le martyre) : elle vous montrera le Christ.

Voici l’Agneau de Dieu.

Nous avons le choix dans notre vie entre se montrer soi-même ou montrer le Christ.

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