J’ai eu la joie de baptiser Augustine, la huitième enfant d’un couple que j’ai marié en 2006, je n’oublierai jamais notre première rencontre : ils étaient venus me voir un Samedi saint alors que je sortais de confessions en fin de journée quelques heures avant la Vigile pascale.
Je me souviens de leur mariage en décembre où le curé de l’église avait oublié, Oups ! d’allumer le chauffage : il y avait de la buée quand on chantait, la harpiste pouvait à peine jouer les doigts gelés.
J’ai baptisé chacun des enfants : Tom, Luc, Joséphine, Philomène, Marc, Séraphine, Capucine, et donc Augustine, 3 garçons 5 filles, adorables comme leurs parents.
Et j’ai eu une discussion un peu acide avec une amie à qui je le racontais et qui, loin de partager mon enthousiasme, s’indignait de leur fécondité.
Son point de vue était qu’on est trop nombreux sur terre, ce qui est un raccourci car on est trop nombreux vu notre mode de consommation à nous Occidentaux. Elle m’a dit : ‘Tu te rends compte si tout le monde faisait comme eux ?’, ce qui m’a énervé parce que c’est une phrase qui m’avait été dite par un de mes directeurs au Séminaire : ‘Tu te rends compte si tout le monde était comme toi ?’. J’avais répondu : ce serait le bonheur.
L’Eglise ne demande pas à toutes les familles d’avoir beaucoup d’enfants. Nous ne faisons pas une lecture fondamentaliste du Livre de la Genèse quand Dieu bénit nos premiers parents et leur dit : « Soyez féconds et multipliez-vous, remplissez la terre et soumettez-la » (Gn 1, 28). Cette soumission de la terre à l’homme est comparable à la soumission de l’homme à Dieu : elle n’a de sens que dans l’amour. Aimez la terre comme Dieu aime chacune de ses créatures. C’est une soumission au sens chrétien du terme, respectueuse de chacun, ouverte et ordonnée à la vie, au Vrai, au Beau et au Bien.
Elle ne se fait jamais en force : Dieu ne force personne.
La paix que le Christ donne, au soir de Pâques, et que nous échangeons avant de communier, n’est pas la pax romana, impériale et dictatoriale de son époque. Elle n’est pas la paix que ses disciples imaginaient comme ils imaginaient qu’il allait rétablir la royauté en Israël, on le lit au début du Livre des Actes des Apôtres, quand « réunis, ils l’interrogeaient : ‘Seigneur, est-ce maintenant le temps où tu vas rétablir le royaume pour Israël ?’ » (Ac 1, 6).
Elle est la paix du pardon que le Christ donne au soir de Pâques à ceux là-mêmes qui s’étaient enfuis et qui n’en étaient pas fiers : « La paix soit avec vous ! De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie ». Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux et il leur dit : « Recevez l’Esprit Saint. À qui vous remettrez ses péchés, ils seront remis ; à qui vous maintiendrez ses péchés, ils seront maintenus » (Jn 20, 21-23).
Cette paix de l’Esprit-Saint est donnée à ceux qui sont prêts à s’ouvrir au Christ : Il est « notre Paix » dit saint Paul (Eph 2, 14). Il est celui qui est venu nous réconcilier avec Dieu. Car il ne peut y avoir de paix qui ne vienne de notre cœur, de la présence de Dieu en notre cœur.
Nous venons de fêter l’Assomption de la Bienheureuse Vierge Marie, son entrée corps et âme dans la Gloire du Ciel, dans la joie, la paix et la lumière. Elle y a retrouvé l’Ange Gabriel qui lui avait annoncé qu’elle serait, si elle le voulait bien, la Mère du Sauveur. Quand il lui est apparu et qu’il la salua, « elle fut bouleversée » (Lc 1, 29), se demandant ce que pouvait signifier cette salutation.
Rien n’est impossible à Dieu.
C’est l’acte de foi qui peut apaiser notre cœur.
Saint Jean le dit différemment : « Notre cœur aurait beau nous accuser, Dieu est plus grand que notre cœur, et il connaît toutes choses » (1 Jn 3, 20). Il sait mieux que nous que nous n’avons rien à craindre des imprévus, des différences, des obstacles ou des oppositions.
Mise à part la différence sexuelle de l’homme et de la femme, les deux lieux les plus universels de tensions et d’oppositions sont d’une part les différences de génération : chaque génération se méprend sur celle qui la suit ou la précède. Et le deuxième lieu de frictions vient des cultures et traditions qui varient forcément d’une famille à l’autre, et qui constituent le fond de difficulté du couple et du mariage.
Les exemples que Jésus prend dans l’évangile cumulent les deux : « le père contre le fils et le fils contre le père, la mère contre la fille et la fille contre la mère, la belle-mère contre la belle-fille et la belle-fille contre la belle-mère ».
Ils s’opposaient bien avant que le Christ vienne sur terre ! Pourquoi dit-il alors qu’il n’est pas« venu mettre la paix sur la terre, mais bien plutôt la division » ?
La raison est que ces tensions, divisions, oppositions familiales révèlent nos propres conflits intérieurs, les divisions de notre cœur.
Voyez dans les disputes et les conflits l’incapacité où nous sommes le plus souvent de prendre la mesure de nos passions et de notre aveuglement : nous ne voyons que les torts de l’autre, ses erreurs et ses fautes.
Le Christ nous prévient que nous rencontrerons ces difficultés avec les plus proches, jusque dans nos familles, et ne parlons même pas de et dans l’Eglise. Il nous envoie avec la consigne de ne pas engager de combat. Dans toute maison, toute famille où vous entrerez, dites d’abord : ‘La paix soit avec vous’. « S’il y a là un ami de la paix, votre paix ira reposer sur lui ; sinon, elle reviendra sur vous » : autrement dit, ne la perdez pas !
Eloignez-vous de ceux qui n’aiment pas la paix.
Pas de combats inutiles.