L’Eglise a longtemps considéré que ce mauvais riche était damné : en enfer. Le texte latin dit qu’à sa mort on l’enterra en enfer, « sepultus est in inferno » où il est en proie à d’insupportables souffrances (ce qui n’est pas l’état des défunts au Purgatoire), et où il n’a plus aucun accès à Dieu. Il ne peut s’adresser qu’à Abraham, le père des croyants, l’intercesseur des nations, dont le double refus exprime que même lui, Abraham qui avait supplié Dieu pour Sodome, n’intercédera pas pour lui.
En enfer il n’y a pas de rédemption. “In inferno nulla est redemptio” disait un quatrain célèbre de l’Office des Défunts qui commençait par ces mots : « la peur de la mort me saisit, non pas tant à cause de mes péchés, que de mon absence de repentir ».
Il n’y a pas de rédemption en enfer, plus d’espoir de pardon ni de salut. Cette désespérance est la pire des souffrances morales au-delà des souffrances physiques que symbolise la fournaise et le soif du damné. « J’ai soif ! » est une des paroles du Christ en Croix, et une autre le sentiment de suprême déréliction : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? ». Le Christ Jésus a enduré ces souffrances aux dernières heures de sa vie sur terre pour qu’en méditant sa Passion, en nous en souvenant à chaque messe et chaque vendredi, nous ne les subissions pas, de notre fait, par notre faute, pour toujours.
Le problème n’est pas de savoir si la possibilité de la damnation nous heurte. « Comme au temps de Noé on ne croyait pas au déluge, ainsi aujourd’hui on ne croit pas à l’enfer » écrivait saint Jean Chrysostome au 4ème siècle. Rien de nouveau sous le soleil. A la messe, dans le Canon romain, nous prions Dieu : « arrache-nous à la damnation ». Le problème n’est pas d’y croire ou pas mais de constater cette inversion diabolique qui fait que c’est l’Eglise aujourd’hui qui a peur d’en parler.
La peur de la mort, timor mortis, est passée du côté de l’Eglise !
S’il y a un texte de l’Ecriture, une prière à connaître par cœur, en plus des prières de la messe et de tous les jours qui nous permettent de prier ensemble, c’est le Psaume 22 : « Le Seigneur est mon berger », le psaume préféré du peuple chrétien.
« Sur des prés d’herbe fraîche, il me fait reposer. Il me mène vers les eaux tranquilles et me fait revivre », promesse de la Résurrection.
« Si je traverse les ravins de la mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi : ton bâton me guide et me rassure » (Ps 22, 1-4). « Il y aura un seul troupeau et un seul pasteur », dit Jésus (Jn 10, 16) : « Voilà pourquoi le Père m’aime : parce que je donne ma vie, pour la recevoir de nouveau ».
Je voudrais vous livrer deux réflexions, la première sur le point de bascule où ce thème de l’Au-delà, de la Justice divine et des Fins dernières, a disparu du discours de l’Eglise : 1940 pour le Purgatoire. Le mot ne figure plus dans les textes du Concile Vatican II des années 60. Etonnez-vous après des exactions et horreurs perpétrées à partir des années 50 par des prêtres de l’Eglise avec un tel sentiment d’impunité.
Un texte de la Commission Théologique Internationale publié en 1992 sous la présidence du cardinal Ratzinger, alors préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, sur « Quelques questions actuelles concernant l’eschatologie » (c’est-à-dire les Fins dernières) dit ceci :
« Non seulement la culture actuelle s’efforce par tous les moyens de faire oublier la mort et les questions qui l’accompagnent » mais « l’espérance est ébranlée par un pessimisme quant à la bonté même de la nature humaine. Après l’immense cruauté que les hommes de notre siècle ont montrée au cours de la Seconde Guerre mondiale, l’espoir diffus s’était répandu que, instruits par cette dure expérience, ils instaureraient un ordre meilleur de liberté et de justice.
Très rapidement, une amère désillusion est survenue.
Dans les pays riches, très nombreux sont ceux qui sont attirés ‘par l’idolâtrie des biens matériels (ladite société de consommation)’ et qui ne se soucient pas de leur prochain ».
Rien de nouveau sous le soleil.
« Il est facile de penser que l’homme moderne est si asservi par ses instincts et la concupiscence, et si exclusivement assoiffé de biens terrestres qu’il n’est aucunement destiné à une fin supérieure ».
Seul un Apostolat des Fins dernières permettra que l’Eglise catholique redevienne apostolique dans la mission que le Christ lui a confiée d’annoncer que le Royaume de Dieu est proche. Le Christ viendra sauver ceux qui auront cru en Lui. Quant à ceux qui, comme ce mauvais riche, ne l’auront pas reconnu dans le plus petit de leurs frères, ils s’en iront loin de lui, « les maudits, dans le feu éternel préparé pour le diable et ses anges : ils s’en iront, au châtiment éternel, et les justes, à la vie éternelle » (Mt 25, 41. 46).
La Tradition voulait que le lundi on prie pour les âmes du Purgatoire. De même que le mardi nous demandons l’intercession des saints martyrs pour les chrétiens emprisonnés et persécutés, et le mercredi, jour de la trahison de Judas, jour de jeûne et de prière des mystères douloureux, nous invoquons saint Joseph patron de la bonne mort.
Cette année, la prière annuelle pour les défunts le 2 novembre est un dimanche. Demain, lundi 29 septembre nous fêterons les Saints Archanges, Michel, Gabriel et Raphaël, auxquels nous pouvons confier nos défunts avec cette prière au moment de l’inhumation au cimetière
« Que les Anges vous accompagnent au Paradis. Qu’à votre arrivée les Martyrs vous accueillent et qu’ils vous introduisent dans la Cité sainte, la Jérusalem du ciel. Que le Chœur des Anges vous reçoivent et qu’avec Lazare, si pauvre autrefois, si heureux maintenant, vous jouissiez du repos éternel. Amen ».
Demandons aux saints Anges et Anges gardiens de nous accompagner dans le combat spirituel et moral du quotidien.
C’est à eux que nous pouvons aussi confier la création de cette œuvre pour l’Apostolat des Fins dernières.