Dimanche dernier nous avions en 1ère lecture la visite à Abraham de trois hommes au Chêne de Mambré : ils lui annonçaient que lui Abraham, tout vieux qu’il soit, allait enfin avoir un fils, être père. Ce texte honorait l’évangile qui était celui de la visite de Jésus à la maison de Marthe : « N’oubliez pas l’hospitalité : elle a permis à certains, sans le savoir, de recevoir chez eux des anges » (He 13, 2). Des anges et plus encore.
Nous retrouvons ce dimanche Abraham avec ses trois visiteurs qui allaient partir pour Sodome. L’annonce qui lui est faite alors est radicalement opposée, de destruction prochaine, mais elle nous permet de voir la grandeur d’Abraham : c’est un homme de foi et de prière. Certes ce n’est pas de lui mais de Moïse que l’Ecriture dit que Dieu lui parlait « comme un ami parle à un ami » (Ex 33, 11), mais ils sont l’un et l’autre deux vrais adorateurs, en esprit et en vérité (Jn 4, 24), qui savent la distance infinie qui les sépare de Dieu. Hommes de prière et de vérité.
Nous aimons autant Abraham que Moïse. Nous, Chrétiens, nous aimons autant Abraham que Moïse : ce n’est pas le cas de l’Ancien Testament qui donne à Moïse une place trois fois plus importante (en nombre de mentions) qu’à Abraham. Et quatre fois plus à David.
Dans le Nouveau Testament, Abraham et Moïse sont à égalité, et David assez loin derrière, en dépit de la filiation royale de Jésus : il est de la maison de David, et plus d’une fois appelé ‘Fils de David’, titre messianique comme ‘Fils de l’homme’.
Nous aimons autant Abraham que Moïse, et nous préférons Jésus-Christ.
Abraham est l’homme de l’hospitalité ainsi que nous l’entendions dimanche dernier quand ces trois hommes arrivaient à l’heure la plus chaude du jour, et Abraham courait à leur rencontre et insistait pour les nourrir : quel contraste avec la parabole de ce dimanche où le 3ème personnage refuse de bouger pour son voisin qui accueille un ami de passage. L’humanité se mesure à l’hospitalité. Qu’est-ce qu’une personne autocentrée ? Quelqu’un qu’il ne faut pas déranger. Qui n’est pas aimable, pas accueillant.
Abraham était accueillant. Moïse était curieux. Nous aimons les deux.
Moïse était curieux, on le voit au Buisson ardent, puis à la Montagne de Dieu, où il voulait voir Dieu de ses yeux. Abraham était accueillant. Il faut tenir les deux à l’image du personnage central de la parabole dont l’ami arrive de voyage : avant de prendre de ses nouvelles, il va lui chercher à manger.
C’est la loi de l’hospitalité, dont David lui-même, avant d’être roi, bénéficia rappelle Jésus : « N’avez-vous jamais lu ce que fit David, lorsqu’il fut dans le besoin et qu’il eut faim, lui-même et ceux qui l’accompagnaient ? Au temps du grand prêtre Abiatar, il entra dans la maison de Dieu et prit les (cinq) pains de l’offrande que nul n’a le droit de manger, sinon les prêtres, et il en donna à ceux qui l’accompagnaient » (Mc 2, 26, cf. 1 S 21, 6). Jésus explique : La Loi (le sabbat) a été faite pour l’homme, et non pas l’homme pour la Loi.
Le sabbat, pour nous le dimanche est fait pour nous nourrir ensemble de la Parole qui sort de la bouche de Dieu.
Ce qu’il y a de remarquable chez Abraham est son ouverture aux étrangers, ayant été lui-même un araméen errant, sa promptitude à intercéder pour des gens qu’il ne connaît pas, tandis que Moïse prend la défense de son peuple, du peuple que Dieu lui a confié, même quand ce peuple s’éloigne de Dieu pour adorer un veau d’or, suscitant la colère du Seigneur qui dit à Moïse : « Je vais les exterminer mais, de toi, je ferai une grande nation ».
Moïse apaisa le visage du Seigneur son Dieu en disant : « Pourquoi, Seigneur, ta colère s’enflammerait-elle contre ton peuple, que tu as fait sortir du pays d’Égypte par ta grande force et ta main puissante ? Pourquoi donner aux Égyptiens l’occasion de dire : “C’est par méchanceté qu’il les a fait sortir ; il voulait les tuer dans les montagnes et les exterminer à la surface de la terre” ? Reviens de l’ardeur de ta colère, renonce au mal que tu veux faire à ton peuple. Souviens-toi de tes serviteurs, Abraham, Isaac et Israël » (Ex 32, 10-13).
Israël est l’autre nom de Jacob, car notre Dieu n’est pas seulement le Dieu d’Abraham : il est le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob. Il n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants dit Jésus au sujet de la résurrection des morts (Mt 22, 32).
Des vivants ! L’homme de la parabole dont la porte est fermée, qui ne veut pas qu’on vienne l’importuner (mes enfants et moi, nous sommes couchés. Je ne puis pas me lever pour te donner quelque chose), est-il mort ? Le vivant se lève ! Le vivant ouvre ! Le vivant donne !
« Donne à qui te demande ».
Cette phrase du Sermon sur la montagne (Mt 5, 42) devrait être gravée en nos cœurs.
Jésus lui en donne toute sa portée dans l’évangile de ce dimanche : c’est ce que Dieu fait avec nous. « Moi, je vous dis : Demandez, on vous donnera ; cherchez, vous trouverez ; frappez, on vous ouvrira. En effet, quiconque demande reçoit ; qui cherche trouve ; à qui frappe, on ouvrira ».
J’ai toujours été frappé lors de préparations d’obsèques que l’on me dise de la personne défunte qu’elle était très généreuse. ‘Sa qualité ? la générosité !’ affirmaient sa famille et ses amis qui ne se rendaient pas compte qu’elle n’était généreuse qu’avec eux, par une sorte de générosité réservée à ceux qu’elle aimait. A côté de ça, rien : aucun engagement, aucune cause particulière, aucune pratique religieuse, aucun soutien notable aux pauvres et aux inconnus.
Si vous donnez uniquement à ceux que vous aimez, que faites-vous d’extraordinaire ?
Les païens eux-mêmes n’en font-ils pas autant ? (Mt 5, 46).
Donne à qui te demande.
Donne à qui te demande.
Donne à qui te demande.