De son sein jailliront des sources d’eau vive !

‘Tu préfères ton papa ou ta maman ?’ 

Voilà vraiment une question idiote, qui n’a rien à voir avec celles que l’on nous annonce parfois comme telles : ‘Je vais vous poser une question idiote …’ et qui le sont rarement. Combien de fois l’ai-je entendu : ‘Je vais vous poser une question idiote’ et qui ne l’était pas. J’ai lu dans ma jeunesse ce livre de Nietzsche, déjà un peu délirant, Ecce Homo, dont un chapitre s’intitule : « Pourquoi je suis si intelligent », et la réponse est la même pour tout le monde : parce que je pose des questions. J’interroge les autres, le monde, l’histoire humaine. Dieu.

Une de mes amies juives, intriguée par mon année sabbatique de solitude, de silence et d’étude, me disait : ‘Chez nous les rabbins apprennent en se posant entre eux des questions’. Je pensais à la scène du Recouvrement au Temple, cinquième mystère joyeux du Rosaire (lundi et samedi), quand les parents de Jésus le retrouvent « dans le Temple, assis au milieu des docteurs de la Loi : il les écoutait et leur posait des questions » (Lc 2, 46). Et elle me demandait : ‘Vous faites pareil ?’. C’est une très bonne question, pour chacun de nous : à qui est-ce que nous posons des questions sur l’amour, sur la vie, sur Dieu ?Saint Basile le Grand, de Césarée (au 4ème siècle), grand théologien du Saint-Esprit, affirmait : « Nul ne peut trouver seul ce qui lui est convenable ».

En matière de préférence amoureuse ou affective, il y a une question que les fiancés gagneraient à se poser avant de se marier : «Est-ce que je préfère ma (future) femme ou ma mère, mon mari ou mon père ? ».

De tous les renoncements que nous avons à faire dans notre vie, celui-là, quitter son père et sa mère pour s’attacher à sa femme, à son mari, et former une seule chair, est peut-être le plus difficile, peut-être plus encore que le renoncement aux biens matériels pour se consacrer à Dieu, pensez au jeune homme riche de l’évangile, et les deux se rejoignent quand un couple doit pour se construire renoncer au confort matériel de leurs familles pour prendre son autonomie.

La relation aux familles ne se posait évidemment pas dans les mêmes termes du temps de Jésus qu’aujourd’hui, parce que la priorité était donnée à la tradition. Le Christ s’est opposé ouvertement à ses excès quand cette tradition était en contradiction avec les commandements de Dieu.
Nous sommes aujourd’hui dans une situation opposée où l’occultation de Dieu s’accompagne d’une ignorance ou d’un mépris de la tradition, de l’histoire, de la mémoire. Souviens-toi !

Le devoir de s’asseoir, que le Père Caffarel a tiré de l’évangile de ce dimanche et systématisé pour le bien des couples dans les Equipes Notre-Dame, est un travail de mémoire, de reprise et confrontation de la réalité quotidienne aux engagements de notre vie : il concerne tout chrétien indépendamment de son état de vie sur sa fidélité au Pacte de son baptême. Souviens-toi que tu es Chrétien. 
Que tu as été racheté par le Christ au prix de son sang et de sa mort sur la Croix.
Ton âme est devenue mon épouse au jour de ton baptême, dit le Seigneur. J’ai posé « comme un sceau sur ton cœur, comme un sceau sur ton bras » dit le Cantique des Cantiques (Ct 8, 6), un des textes les plus commentés par les Pères de l’Eglise, qui dit notre relation d’amour au Seigneur.

Souviens-toi que je t’ai aimé avant même que tu voies le jour.

Souviens-toi, de tout ce que tu as reçu, et pas seulement de tes échecs.  Et souviens-toi, en la matière, de ce qui est arrivé à ceux qui voulaient défier la pesanteur, conquérir le monde, sans s’être demandé avant – à quoi cela pourrait leur servir.

La leçon des paraboles de l’évangile de ce dimanche n’est pas de l’ordre du calcul sur les moyens à engager – il n’était pas nécessaire que Dieu se fasse homme pour nous apprendre à compter ! Leur leçon est sur l’aide que nous pouvons escompter. Nul ne peut trouver seul ce qui lui est convenable : nul ne peut arriver seul à ce qui nous réunira dans l’unité et l’amour.

Seigneur, qui me conduira jusqu’à ta montagne sainte, jusqu’en ta demeure ?

Qui sera présent cette année sur le chemin de ma vie, pour me conseiller et me guider ?

Voilà pourquoi le Christ nous demande de le préférer, de lui donner la priorité y compris sur les personnes que j’aime, mais qui ne peuvent me donner ce qu’ils n’ont pas eux-mêmes trouvé : « Un aveugle peut-il guider un autre aveugle ? Ne vont-ils pas tomber tous les deux dans un trou ? » (Lc 6, 39).
Seigneur, envoie ta lumière et ta vérité : 
qu’elles guident mes pas et me conduisent à ta montagne sainte, jusqu’en ta demeure (Ps 42).

En ce temps de rentrée, prenez le temps de vous arrêter, de vous asseoir, pour interroger le Seigneur sur ce qu’il veut pour vous cette année. 

Demandez-lui sur qui vous devez vous appuyer pour vous aider et vous guider. Il y a beaucoup de domaines dans lesquels il faut savoir inventer, innover. Et puis d’autres, pour lesquels nous disposons d’un trésor de sagesse dans lequel il suffit de puiser.
C’est un puits d’amour qu’il n’est pas besoin de creuser, au bord duquel se trouve le Christ, qui l’a promis un jour à une femme de Samarie (Jn 4, 14) : « Celui qui boira de l’eau que moi je lui donnerai n’aura plus jamais soif ; et l’eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d’eau jaillissant pour la vie éternelle. »

Que la Vierge Marie, dont nous fêterons demain la Nativité, Marie trône de la Sagesse, soit pour nous la fontaine du Salut. 

De son sein jailliront des sources d’eau vive !

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